NOS PROJETS
Habiter et raconter les lieux refuges
Les lieux de vie des personnes exilées, formels et informels, sont des lieux de passage, habités temporairement, où les personnes arrivent et partent sans cesse. Dans ces conditions, il est particulièrement difficile d’en faire mémoire, non seulement pour les personnes concernées, mais aussi dans la ville. Pourtant, ces lieux laissent non seulement des traces dans l’espace public, mais également dans les mémoires individuelles des personnes qui sont amenées à y trouver refuge. Ils sont les lieux d’émergence de mémoires collectives et individuelles plurielles, qui inscrivent leurs habitant·es dans la mémoire urbaine et concourent à la revendication et à la légitimation d’une place dans la ville pour des populations particulièrement invisibilisées.
Les habitant·es de ces lieux sont en effet bien souvent l’objet de préjugés liés à l’incompréhension de leur situation par les autres habitant·es et usagèr·es de la ville (méfiance envers l’altérité, volonté de se tenir à distance des personnes en situation de grande précarité…). De plus, iels ne sont pas toujours dans des conditions propices à pouvoir transmettre publiquement et collectivement une parole, qui serait à même de déconstruire ces préjugés. Iels ont pourtant une manière de prendre place dans la ville qui leur est propre, et qui passe notamment par leur appropriation des différents lieux où iels trouvent refuge.
Comment habite-t-on ces espaces ? Quelles relations s’y nouent, comment apprend-on (ou non) à s’y sentir petit à petit en confiance, voire “chez soi ?” Quelle est l’appropriation de ces lieux par les personnes qui s’y installent, parfois très temporairement, parfois sur plusieurs années ? Comment se créent les nouveaux repères au sein d’un habitat lorsque l’on est amené à en changer régulièrement ? Quelles mémoires se constituent autour de ces lieux ?
Notre projet s’inscrit dans une démarche de questionnement autour des représentations des lieux refuges et de leurs habitant·es en donnant la possibilité à ces habitant·es de produire leur propre parole. La mise en place d’ateliers audiovisuels auprès des publics concernés entend permettre l’appropriation des outils nécessaires à la production d’un regard spécifique. Ces projets audiovisuels participatifs sont également un instrument de développement du lien social et de l’expression citoyenne. L’auto-production audiovisuelle apporte d’autre part une meilleure appropriation des médias à travers l’apprentissage des différents processus de production d’un film, d’un reportage radiophonique ou photographique. La connaissance de la chaîne de production audiovisuelle permet de mieux comprendre la portée comme les limites des images produites aujourd’hui en continu. Ces outils amènent ainsi un regard critique, aujourd’hui indispensable à une meilleure compréhension du monde. Enfin, la diffusion de ces productions permet de porter à la connaissance d’un public le plus large possible les enjeux liés aux lieux refuges et de contribuer à mettre en débat les préjugés qui leur sont liés et qui demeurent très nombreux aujourd’hui. Interroger le vécu de ces personnes souvent invisibilisées et le donner à voir et à comprendre aux autres habitant·es et usagèr·es de la ville est ainsi une manière de promouvoir des valeurs de tolérance et de respect.
Notre démarche entend donc remplir un double objectif : l’éducation citoyenne mais aussi la lutte contre les discriminations dont sont souvent victimes les habitant·es des lieux refuges.